Bernard Friot | Histoire et enjeu de la sécurité sociale et des cotisations
Les amis du Monde Diplomatique Versailles
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Quand la Sécurité sociale a été créée en 1946 par Amboise CROIZAT, ministre du travail, il part des caisses d’assurances sociales existant depuis les années 1930. Son acte révolutionnaire, c’est de doubler le taux de cotisation salariale et patronale de 16 à 32% du salaire brut et de tripler le montant des allocations familiales. Cette hausse formidable du taux de cotisation attribue de la valeur économique au travail. Ainsi, après guerre, cela va être un élément déterminant de la croissance. Dans les années 1960, une nouvelle augmentation considérable du taux de cotisation maladie financera la création des centres hospitaliers universitaires et le conventionnement de la médecine de ville. Ce mouvement de hausse se poursuit dans les années 1970, avec la hausse du taux de cotisation vieillesse. Avant 1970 la retraite représentait 40% du salaire à 65 ans ; on est passé à 50% du salaire en 1972. Le minimum- vieillesse a été créé en 1956. Jusqu’à cette époque les vieux vivent dans la misère. Les cotisations, grande invention révolutionnaire, remplacent la rémunération de la force du travail. Jusqu’en 1983 les cotisations salariales et patronales augmentent régulièrement.
L’enjeu de la sécurité sociale et de la cotisation
La cotisation sociale est l’institution à la fois la plus subversive et la plus mal défendue. Il s’agit toujours de la remplacer par un impôt : TVA, CSG, impôt sur le capital ou mieux encore « rêvent » les libéraux par les sociétés d’assurance privées ! (différentes des Mutuelles qui sont des organismes à but non lucratif c’est-à-dire que les cotisations sont reversées et ne sont pas destinées à la rémunération de l’assureur). Aujourd’hui les sociétés d’assurance privées et autres banques sont sur les starting-blocks comme cela existe déjà dans la plupart des pays.
Du point de vue fonctionnel la sécurité sociale est destinée à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail. On distingue 5 risques qui forment 4 branches de la sécurité sociale : maladie, accidents du travail, maladies professionnelles, famille, vieillesse. Du point de vue institutionnel la sécurité sociale est un établissement public. Son autorité de tutelle est l’Etat. Le principe de la sécurité sociale est la gestion paritaire.
Un outil de la politique de l’emploi des libéraux : Exonérer de « charges » sociales le patronat
C’est le premier outil de la politique de l’emploi. Les abattements ou exonérations de cotisations patronales se développent à partir des années 1990 pour lutter contre le chômage et le risque de délocalisation des entreprises. C’est bien sûr du manque à gagner pour la sécurité sociale et ça ne crée pas d’emplois, ni n’arrête le risque de délocalisation des entreprises. Par contre le non-versement de la cotisation patronale signifie que c’est l’Etat, c’est-à-dire l’impôt ou plus précisément une série de taxes qui devrait compenser l’exonération auprès de la Sécurité sociale. Or cette question du financement de la sécurité sociale par l’impôt (en fait aujourd’hui une série de taxes répercutée sur les prix des produits, la TVA sociale, la CSG ou la taxe sur le capital) plutôt que par la cotisation sociale est déterminante.
Sans épargne, ni crédit, la cotisation sociale est immédiatement transformée en prestation
L’enjeu des libéraux n’est pas seulement de « réduire le coût du travail », mais surtout de détruire le salaire à la qualification professionnelle ou au grade ainsi que de détruire la cotisation sociale : la cotisation sociale est fonction du salaire brut et le salaire brut est fonction de la qualification professionnelle ou grade. La cotisation sociale est immédiatement transformée en prestation, sans accumulation financière. Le système de Sécurité sociale fonctionne dans l’immédiateté, sans épargne, ni crédit, c’est un véritable enjeu, tout en étant capable d’honorer chaque année des engagements de plusieurs centaines de milliards d’euros (environ 400), autant que le montant annuel des investissements des entreprises françaises actuellement (environ 20% du PIB). Et depuis 60 ans.
L’urgence de défendre le salaire à la qualification professionnelle ou au grade
La hausse des salaires bruts et des taux de cotisation sociale a permis la généralisation de la sécurité sociale et l’installation d’un taux de remplacement à la retraite au plus proche du salaire. La conséquence de la hausse des salaires bruts c’est l’évitement de la capitalisation ou de l’épargne (voir du crédit) et l’inutilité du recours à l’impôt. La cotisation sociale c’est de la création de richesse immédiatement investit pour les citoyens, c’est le meilleur système de création de richesse sans actionnaires qui font pression.
source : les amis du Diplo Versailles
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